5 – La santé au travail pour tous à Saint-Pierre-et-Miquelon

C’est le 5ème article sur l’après COVID-19 à Saint-Pierre-et-Miquelon et il précède la conclusion à paraître mardi prochain.

Vous ne le saviez sans doute pas, mais la santé au travail, la prévention des risques professionnels, la qualité de vie au travail, a occupé la majeure partie de mes activités professionnelles ces 25 dernières années. C’est ainsi qu’en février 2018 je publiais un article pour la création d’« Une structure locale d’accompagnement à la santé et au bien-être au travail à Saint-Pierre-et-Miquelon ». Un article qui présentait la nécessité d’un projet structurant pour l’archipel en matière de santé au travail. Il n’est pas question ici de reprendre les 27 pages du projet complet, qui reste d’actualité , mais de rebondir sur le réveil des députés de la majorité qui, à la suite de la crise du coronavirus, viennent de relancer le débat de la santé au travail en France. Ici, à Saint-Pierre-et-Miquelon, la bonne initiative de la Cacima du mois de mai, démontre l’intérêt collectif d’un accompagnement psychologique des chefs d’entreprise ICI. Enfin un rapport de l’Inspection Générale des Affaires sociales (IGAS) vient secouer les services de santé au travail existants et cela concerne aussi celui de l’archipel.

Ainsi, 158 députés LREM ont appelé dans le Journal du Dimanche, à « une grande réforme de la santé au travail » qui permettra de faire de la France « l’un des pays les plus performants et innovants en Europe en matière de prévention dans le domaine de la santé au travail ». Au-delà du blabla LREM, parmi les signataires, la députée Charlotte LECOCQ.

Pourquoi citer Charlotte LECOCQ ? Parce que c’est l’auteure de deux rapports sur ces questions: le premier pour traiter la situation des entreprises du secteur privé ICI ; le second pour traiter celle de la Fonction publique ICI. Dans ce dernier, en annexe n°5, figure la note de synthèse de mon projet pour notre archipel (voir en bas de l’article).

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La santé au travail ce n’est pas simplement les visites du médecin du travail

Que l’on soit employeur, syndicaliste, salarié ou agent public, il n’y a qu’une seule santé au travail. La santé au travail ce n’est pas simplement les visites du médecin du travail qui ne représentent qu’une infime partie de ce que doit être la santé au travail. Vous pouvez prendre connaissance des obligations des employeurs, des missions des services de santé au travail du secteur public comme du secteur privé, ICI.

C’est pourquoi il faut passer de la médecine du travail à une approche globale de la santé au travail par la création d’un service territorial de santé au travail, ouvert aux entreprises, à toute la Fonction publique, aux travailleurs salariés et travailleurs indépendants, aux marins, mais aussi aux chefs d’entreprise, le tout animé par une équipe pluridisciplinaire. Il s’agit de mutualiser les analyses, les efforts, les démarches, les investissements, les évaluations et les idées.

L’équipe pluridisciplinaire :

(en cliquant sur les noms vous accédez à la définition et au rôle de chacun)

À Saint-Pierre-et-Miquelon il n’est pas nécessaire de recruter dans chaque spécialité. Outre le médecin du travail et une infirmière de santé au travail qui sont obligatoires, il existe des IPRP qui cumulent les deux spécialités de Psychologue du travail et d’ergonome. C’est ce type de profil qui serait indispensable aux besoins des employeurs et des travailleurs.

Si ces rapports de Charlotte LECOCQ se conjuguent avec celui présenté au Sénat le 2 octobre 2019 par notre sénateur Stéphane ARTANO, « Pour un service universel de santé au travail », il sera possible d’envisager un véritable service de santé au travail dans l’archipel. D’ailleurs les deux parlementaires (qui ne sont pas du même parti politique) ont échangé sur ce projet dans un courrier que vous pouvez trouver ICI. L’objectif essentiel prime sur les querelles partisanes. Ah ! si cela pouvait se passer aussi dans l’archipel ce serait formidable !

Les représentants des employeurs locaux en voie d’évitement !

La Caisse de Prévoyance Sociale (CPS) a rédigé une note de lancement d’un futur projet territorial en santé et sécurité au travail validé par le Conseil d’administration en novembre 2018. À défaut d’avoir pu en obtenir une copie, il semblerait que ce projet, qui se conjugue toujours au futur, ignore étonnamment l’Association de Médecine du travail (AMT) de l’archipel (voir encart page 17 du rapport d’activité de la CPS 2018).

La surveillance médicale et la prévention des risques professionnels des salariés sont une obligation pour tous les employeurs. La CPS peut aider mais elle ne peut pas se substituer aux obligations des employeurs. Ou alors; est-ce une volonté des employeurs/administrateurs de la CPS ?, des employeurs/administrateurs de l’AMT ?, pour se dégager de leurs responsabilités ? Et les syndicats ? Si chacun travaille dans son coin aucun projet structurant ne pourra se mettre en place. C’est peut-être le but recherché ? Ne pas déranger le confort des mauvaises habitudes ? Ils savent ! Moi je l’ignore.

Rappelons que dans l’archipel, ni les fonctionnaires de l’Éducation Nationale, ni les auto-entrepreneurs, ni les employeurs des très petites entreprises, ni certains salariés, etc., ne bénéficient localement des prestations d’un médecin du travail pour améliorer ou pour préserver leur santé au travail. Dans un territoire d’environ 3000 travailleurs, le seul médecin du travail ne peut suffire à remplir toutes les missions, surtout si le service devient universel.

Les chefs d’entreprise sont concernés

Comme le rapporte un article de SPM la première ICI, la Cacima a été sensibilisée en mai 2020 à un dispositif national d’accompagnement psychologique des chefs d’entreprise. Les chefs d’entreprise peuvent rencontrer des problèmes psychologiques, à cause des difficultés induites par la crise liée au coronavirus. Ils peuvent mesurer ainsi l’intérêt collectif que représente cette aide et, par prolongement, prendre conscience de ce qu’elle peut représenter pour leurs salariés.

La Cacima a fait appel à l’association Apesa qui existe en métropole depuis 2013 : « Personne n’a jamais serré la main d’une personne morale, donc dans toute entreprise, il y a un homme ou une femme qui peut traverser des moments compliqués. » dit Marc Binié, co-fondateur d’Apesa France. C’est par un article du 6 janvier 2018 (ICI) que j’exposai la nécessité d’étendre le service de santé au travail aux travailleurs non-salariés. Comme le précise l’association Apesa, « « On pourrait assez facilement mettre en place à Saint-Pierre et Miquelon un dispositif identique à celui développé en métropole« .

Mais, une structure pour tous serait la meilleure façon d’apporter une réponse adaptée au territoire. C’est pourquoi la création d’une équipe pluridisciplinaire de santé au travail pour tous apparaît comme indispensable.

La députée LREM Charlotte LECOCQ, auteure de deux rapports remis au Président de la République soutient le projet ; le sénateur ARTANO, auteur d’un rapport au sénat est très favorable ; En 2018 les syndicats consultés (FO et CFDT) étaient d’accord. La Cacima en comprend aujourd’hui la nécessité pour les chefs d’entreprise.

L’Association de Médecine du Travail de l’archipel (AMT) devrait s’engager dans cette voie, avec la CPS et la DCSTEP, pour s’ouvrir à l’obligation de créer une équipe pluridisciplinaire, ceci d’autant plus, que tous les services de santé au travail devront certainement à l’avenir obtenir une certification. Ensuite, l’AMT pourra mettre cette équipe pluridisciplinaire à la disposition de tous les travailleurs de l’archipel sans distinction.

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La méthode :

Un tel sujet, un tel projet qui est avant tout social, nécessite que les employeurs et les syndicats prennent la main. Tant au niveau de l’AMT, qu’ils gèrent en commun, qu’au niveau de la CPS qu’ils administrent ensemble. Le rôle des parlementaires est d’accompagner un projet de Loi pour permettre cette ouverture de la santé au travail à tous. Il est déjà acquis que 158 députés LREM s’engagent dans cette voie, que le Sénateur de l’archipel Stéphane ARTANO est déjà engagé et que, peut-être, le député LREM de l’archipel Stéphane CLAIREAUX, et/ou la ministre Annick GIRARDIN, seront bientôt d’accord avec le groupe parlementaire qu’ils soutiennent. (?)

En ce qui vous concerne, vous, lectrices et lecteurs de cet article, il serait intéressant de recueillir votre témoignage, vos idées et propositions pour que la santé au travail soit mieux prise en compte dans l’archipel.

Prenez contact : ICI

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En complément

Le dernier rapport publié par l’Inspection générale de l’Action Sociale (IGAS) dresse un portrait réaliste des services de santé au travail qui pourrait s’adresser l’Association de Médecine du Travail (AMT) de l’archipel.

Le rapport, rendu public le 2 juin 2020, est consultable ICI :

L’AMT est assimilée à un Service de santé au travail interentreprises (SSTI)

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L’IGAS souligne que :
– La gouvernance des SSTI, complexe, souffre d’un investissement insuffisant des partenaires sociaux ;
– Les contrôles externes sont trop limités, en particulier celui exercé par les DIRECCTE, s’agissant de l’activité médico-technique et des aspects financiers ;
– Malgré les réformes visant à développer la prévention et la pluridisciplinarité des interventions, les SSTI peinent à accomplir ces missions de manière satisfaisante, en particulier via les visites obligatoires et les fiches d’entreprise ;
– En dépit du dynamisme et de la qualité de certaines équipes, la contribution globale des SSTI à la santé au travail n’est pas à la hauteur des attentes ;

Partant de ces analyses, la mission formule une série de recommandations autour de cinq axes :

  • Accroître la qualité du service rendu par les SSTI en définissant un socle de prestations de base et un référentiel de certification ;
  • Améliorer l’usage de leurs ressources et leur fonctionnement, à travers notamment la pluridisciplinarité et la télémédecine ;
  • Améliorer la transparence de leur gestion ;
  • Renforcer leur pilotage et la coopération avec les acteurs de la prévention ;
  • Mettre en place un système d’information permettant le partage de données entre SSTI.

Pour l’IGAS, ces orientations et leur déclinaison sont compatibles avec différents schémas de réforme de la politique de santé au travail, dans laquelle elles ont vocation à s’inscrire.

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Le projet complet de février 2018 présenté aux Assises des Outre-mer : projet SST-SPM pour les AOM-25-02-2018

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Extrait du rapport de la députée Charlotte LECOCQ – 18 septembre 2019