Le débat national peut-il s’inviter à Saint-Pierre-et-Miquelon ?

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Même si ce débat national semble un peu surréaliste dans le contexte actuel de la métropole, rien ne peut interdire la réflexion sur la situation de l’archipel. Il y a eu les assises des Outre-mer, j’y reviendrai plus loin. Mais doit-on s’inscrire seulement dans le cadre des 4 thèmes proposés par le Président de la République ; Transition écologique ; fiscalité ; dépenses publiques ; organisation des services publics ?

N’y a-t-il pas des sujets locaux plus en prise avec la réalité de l’archipel ?

Par exemple :

La chute démographique. Des habitants du cailloux s’émancipent en d’autres lieux ! Pourquoi ? Quelles en sont les raisons ? Ne serait-il pas intéressant de lancer une enquête sur les raisons profondes de ces départs afin d’éviter les fausses réponses. Climat ? Pouvoir d’achat ? Alternance chômage/emploi saisonnier ? autres ?

Le niveau des prix est une question prégnante dans l’archipel. Une enquête a été lancée pour connaître le niveau réel du coût de la vie dans l’archipel par rapport à d’autres régions. L’étude a été confiée à Archipel Développement, la collectivité territoriale. L’Etat et l’IEDOM y sont associés.  Elle se doit se faire dans la clarté et sur la réalité des choses. Des observateurs volontaires et tirés au sort ne peuvent-ils pas être associés à ces travaux ? Une information régulière ne peut-elle pas s’organiser pour commencer à travailler des pistes de compensations ? A la Réunion par exemple, le président de la Région a proposé que les frais de fret de marchandises soient pris en charge totalement par l’Etat !

Le pouvoir d’achat. Dans les DOM-TOM, tous les agents de la Fonction Publique perçoivent une sur-rémunération en raison de la cherté de la vie. C’est en quelque sorte pour les placer sur un même niveau de vie que les fonctionnaires de métropole ou, pour maintenir le niveau de vie qu’ils avaient auparavant en métropole. Pourquoi ne pas réfléchir à l’extension de cette disposition à toutes les travailleuses et tous les travailleurs des autres secteurs ? Pourquoi ne pas prendre en compte cette réalité par la création d’un SMIC local ?

Le revenu minimum : Il existe dans cet archipel des personnes qui vivent en dessous du seuil de pauvreté, c’est-à-dire avec moins de 1 026 euros par mois pour une personne seule. (Insee, données 2016 – à 60 % du niveau de vie médian).

Qui peut vivre ici avec moins de 1000 euros par mois à SPM ? Compte tenu, là aussi du coût de la vie dans l’archipel, ne doit-on pas imaginer la création d’un revenu minimum par situation familiale ? L’archipel peut devenir une terre d’expérimentation de progrès social.

Ces sujets ne sont pas forcément du goût de tout le monde mais la politique, le débat public ne doivent-ils pas déboucher sur une amélioration du quotidien de chacun.

Les assises des Outre-mer : suite et fin ?

Un débat a été organisé dans le territoire l’an passé. Les Assises des Outre-mer ! Des idées, des projets retenus et, un engagement de l’Etat pour expertiser la faisabilité et leur pertinence pour le territoire concerné, en vue de les accompagner de la manière la plus adaptée.

A la page 12, du document « Territoires de projets » (ICI) ,  dans le chapitre « RENOUVELER L’ENGAGEMENT POUR LA SANTE » figure la création d’UN SERVICE TERRITORIAL DE PRÉVENTION DE LA SANTÉ AU TRAVAIL.

« Le projet est une déclinaison concrète dans l’archipel des orientations publiques nationales en matière de santé au travail. Il vise à passer de la médecine du travail à une approche globale de la santé au travail, par la création d’un service territorial de prévention ouvert aux entreprises, à la fonction publique, aux travailleurs salariés et indépendants. »

C’est une idée que j’avais présenté aux assises et publiée: projet complet ICI .

Dans le projet présenté il est souligné que l’engagement de l’Etat est essentiel pour deux raisons :

  1. En premier, le projet nécessite d’adapter la réglementation actuelle en matière de prévention des risques professionnels à Saint-Pierre-et-Miquelon qui date de 1957. C’est-à-dire une réglementation qui ne prend pas en compte les évolutions de ces 60 dernières années qui ont permis à la médecine du travail solitaire de se transformer en service de santé au travail solidaire.
  2. En second, il est constaté, contrairement aux autres employeurs publics et privés, et contrairement aux dispositions réglementaires applicables, que l’Etat employeur dans l’archipel ne paie pas de cotisations d’allocations familiales. Le manque à gagner pour la CPS, qui finance intégralement les dépenses de santé de l’archipel, y compris les accidents du travail, s’élève à plus d’un million d’euros par an.

De plus, une partie des fonctionnaires de l’Etat de l’archipel, n’ont pas accès à la médecine du travail du territoire.

Le projet présenté pour la création de ce service territorial de santé au travail propose qu’une partie de cette recette nouvelle soit fléchée en direction de la prévention des risques professionnels.

Mais sans engagement de l’Etat pour, étudier les modifications réglementaires nécessaires et pour payer ses cotisations à la CPS, la faisabilité du projet est fortement compromise. C’est ainsi que les deux principaux acteurs concernés, l’Association de Médecine du Travail (l’AMT) et la Caisse de Prévoyance sociale, (CPS) ont estimé qu’elles ne pouvaient s’engager dans un projet qui n’était pas financé. Comment s’en étonner ?

Je sais, par expérience, que la santé au travail ne fait pas vibrer les foules. Ce n’est pas un sujet très populaire d’autant que les travailleurs victimes du travail (accidents du travail, maladie professionnelles, burnout, stress, risques psychosociaux, etc.) ne le sont pas tous en même temps et que tous les bien-portants pensent être à l’abri de ces maux. La période d’activité est longue et personne n’est à l’abris d’un risque du travail. C’est pourquoi, il serait appréciable que le débat s’ouvre sur la création d’un service territorial de santé au travail ouvert à tous les actifs de l’archipel, y compris aux employeurs de très petites entreprises et entreprises individuelles.

C’est un projet que je verse au débat.

Et maintenant ?

Il est inutile d’expliquer pourquoi ces idées sont impossibles ! Il est préférable d’étudier les moyens de les rendre possibles. Tous les projets peuvent être magnifiques s’ils permettent d’améliorer la vie de ceux qui les réalisent (actifs) et de ceux qui en profitent (citoyens).

Autant de sujets et bien d’autres, devraient mobiliser les élus de l’archipel et l’Etat. Ecouter et donner suite aux besoins et aux demandes exprimées par chacun.

Il ne manque plus qu’un peu de temps, une date, une heure, une salle, des tables, des chaises. Pour donner suite à toutes ces idées, à tous ces projets, c’est une histoire de volonté politique.

Denis Garnier – 16 janvier 2019